Blu-ray Tess : Interview de Ronald Boullet !

À l’occasion de la sortie du Blu-ray de Tess, j’ai eu l’opportunité de pouvoir poser quelques questions à Ronald Boullet, responsable de la restauration numérique pour Eclair.

Pourriez-vous vous présenter, évoquer brièvement votre parcours professionnel et ce qui vous amené à votre poste actuel ?
RB. Des études artistiques et la passion du cinéma. J’ai aussi eu la chance d’être parmi les premiers en France à utiliser certains logiciels de restauration numérique de film : « Cinéon » qui était alors développé par Kodak. En 2000, ma rencontre avec Claude Sautet pour la restauration de plusieurs de ses titres m’a fait me tourner définitivement vers cette activité.

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Une petite présentation de la société, Éclair, nous intéresse vivement.
RB. Éclair group est un prestataire global de services audiovisuels. La société compte 400 collaborateurs pour 50 M€ de CA. Elle intervient à toutes les étapes du cycle de vie d’un programme, de sa création (post-production image et son) à sa distribution pour tous les usages (Cinéma, TV, Web, Mobile), avec la possibilité de l’adapter (sous-titrage, doublage) et de la conserver (préservation et stockage)… puis comme un nouveau cycle, de le restaurer pour le (re)distribuer. Dans le domaine de la restauration, Eclair Group est le leader en France avec un rythme de plus de 150 films restaurés en HD ou en 2K chaque année… et quelques uns en 4K.

Comment réalisez-vous une restauration image ? Expliquez-nous à partir de quel matériel partez-vous et vers quels objectifs vous orientez-vous ?
RB. Chaque film est un objet unique, avec son histoire. Avant de commencer une restauration, nous essayons de trouver les meilleurs éléments possibles (idéalement, le négatif, si il est encore de ce monde !). Puis nous ouvrons les boites et si nécessaires effectuons les réparations physiques (collures, perforations, amorçage…). Je commence alors à visionner les images à 24im./sec afin de déterminer de quels éléments nous allons partir, comment nous allons opérer. Nous numérisons le film sur des scanners à une résolution pouvant aller de la HD au 4K. L’étalonnage et la restauration numérique peuvent alors commencer. Mon rôle de superviseur est d’accompagner le film jusqu’à la livraison des différents supports de distribution (salle et vidéo)…

Dans quel état était l’image sur Tess ?
RB. Pour Tess c’est le négatif image que nous avons numérisé en 4K. Il a fallu refaire certaines collures. Les trucages souffraient de pompages importants (battements lumière) sans parler des poussières et des déchirures. Le format Scope fait que nous avons dû effacer en infographie beaucoup de collures visibles à l’image. Mais c’était essentiel, afin de conserver le cadre d’origine.

Combien de temps a duré la restauration ?
RB. Un peu plus de deux mois et demi.

D’une manière générale, si l’image est très mauvaise, comment faites-vous ?
RB. Si le film est trop abîmé, nous procédons à une préparation beaucoup plus poussée avant la numérisation. On peut recourir à l’immersion si l’élément à des problèmes sur le coté support , ou bien à une reconstruction avec différents éléments comme nous l’avons fait récemment pour L’assassin habite au 21, le 1er Clouzot qui est un film Gaumont.

Une restauration, en un sens, ne dénature-t-elle pas l’œuvre ? Quelle est la limite à ne pas dépasser ?
RB. Chaque restauration est une version du film. Je compare souvent mon métier à celui d’un traducteur de livre. Le travail le plus consciencieux crée irrémédiablement quelque chose de nouveau même si ça reste très discret. Dans le passé, restaurer un film voulait dire venir toucher directement au négatif, avec les risques que ça comportait. Aujourd’hui une fois que le film est numérisé, plus de danger. Les limites à ne pas dépasser sont inscrites sur la pellicule.

Le grain cinéma, passage délicat lors d’un transfert Haute Définition, comment le gérez-vous ? Pourquoi est-il plus ou moins présent selon les œuvres ?
RB. Qu’est ce que le grain ? C’est le déplacement aléatoire des sels d’argent présents sur la pellicule lorsqu’on défile à 24 images/seconde. Ma vision du grain c’est qu’il faut le conserver. Pour la vidéo, on fabrique si nécessaire un dub dégrainé afin que l’encodage du Blu-ray soit plus harmonieux. Les ordinateurs n’aiment pas l’aléatoire ! Si certains films sont plus granuleux que d’autres, ça s’explique selon les années, les conditions de tournages et l’élément numérisé. Sur un même film vous aurez beaucoup plus de grain sur un positif que sur un négatif. C’est une question de génération.

Quel est, selon vous, la plus belle restauration à ce jour ?
RB. Il ne peut pas y en avoir qu’une. J’ai adoré Les chaussons rouges de Michael Powell édité par Carlotta. J’avoue aussi être assez fier du travail que nous avons fait sur French cancan de Renoir, Huit et demi de Fellini ou plus récemment Les enfants du paradis de Carné.

Êtes-vous un consommateur de Blu-ray ?
RB. Bien sûr !

Que pensez-vous de ce format, encore bien trop méconnu du grand public ?
RB. Je pense que le public à été habitué pendant plusieurs décennies à une qualité bien éloignée du film (VHS, DVD…). A vous de le sensibiliser sur les qualités de ce format ! Il faut quand même savoir qu’une image en Blu-ray comporte environ 4 fois plus d’informations qu’une image DVD.

Et si vous ne deviez garder que 5 films sur vos étagères… donnez les titres…
RB. Les 4 cités précédemment et Dersou ouzala de Kurosawa et un petit dernier, Docteur Folamour de Kubrick.

Quels sont vos futurs projets ?
RB. Nous travaillons actuellement sur un projet en 70mm ainsi que sur un des plus grands films de Cocteau.

Une chose à ajouter ? Un oubli intéressant à évoquer ?
RB. Pour finir avec Tess, petite anecdote, Roman Polanski nous a demandé de modifier un plan au moment ou Tess gifle son cousin et lui fait saigner la lèvre. Il voulait renforcer l’effet de sang sur ses dents, nous avons donc modifié ce petit détail.

Un très grand merci à Ronald Boullet, Emilie Imbert et à Pathé pour cette interview – Cédric // www.blurayenfrancais.com

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