Blu-ray Territoires : Interview d’Olivier Abbou !

À l’occasion de la sortie du Blu-ray de Territoires, j’ai eu le privilège de pouvoir poser quelques questions à Olivier Abbou, réalisateur du film.

Pourriez-vous un peu nous raconter la genèse de ce film ? Comment êtes- vous arrivé sur le projet ?
OA. J’ai réalisé en 2007 une mini-série pour Canal+ dans le cadre de la nouvelle Trilogie, appelée Madame Hollywood. C’était un hommage au Giallo, en huis clos, une heure trente avec des mannequins qui se faisaient torturer ! Delphine Chanéac et Liza Manilli jouaient les deux modèles. J’étais allé assez loin dans le trash, avec un virage dans le dernier tiers (tiens, tiens…) dans le thriller psychologique. Madame Hollywood s’était pas mal fait remarquer et grand fan de genre, j’avais envie de continuer dans cette voie. Mon coscénariste et ami Thibault Lang-Willar, m’a alors suggéré l’idée de ces deux faux douaniers qui arrêtent à la frontière américano-canadienne une bande de jeunes américains qui vont se retrouver rapidement en combinaison orange… Ça m’a tout de suite beaucoup parlé car ce qui me plaît dans le film de genre, c’est souvent l’aspect politique de ces œuvres, le cinéma américain des années 70 en particulier. Témoigner d’un état du monde, parler politique sans tomber dans le film militantiste, à discours.

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Quelles furent vos inspirations ou motivations et comment avez-vous abordé le tournage ?
OA. Des films comme Massacre à la tronçonneuse, Punishment Park, ou Délivrance ont été de grandes inspirations. Funny Games aussi. Pas de gore, l’importance du hors-champ, l’aspect documentaire (et documenté), la tentative de faire plonger le spectateur dans une sismographie de sensations, m’éloigner le plus possible du torture porn que je n’aime pas. D’une certaine manière, tenter de faire un film de genre adulte, pas spécialement destiné aux fans de genre.

Lors du tournage, aviez-vous songé à la future sortie en Haute Définition du film et cela a-t-il influencé, ou non, vos choix de plan/éclairage/caméra ?
OA. Pour être honnête, non. C’est quelque chose que je n’ai pas encore intégré. Mais cela viendra fatalement. Le Blu-ray permet aussi de se dire que les options esthétiques choisies pour la salle vont pouvoir se retrouver dans un cadre domestique.

Quelle expérience retenez-vous sur ce film ? Votre meilleur et votre pire souvenir de tournage ?
OA. Une expérience vraiment géniale, en anglais, avec des acteurs vraiment excellents et professionnels, qu’ils soient des « vieux de la vieille » ou que ce soit leur premier rôle. Mon meilleur souvenir : peut-être le jour où nous avons tourné la scène des exercices militaires. L’idée est de ne jamais laisser les prisonniers trouver un « rythme de croisière » dans leur détention, les réveiller n’importe quand, les soumettre à toutes sortes d’exercices, de brutalités, d’interrogatoires plus ou moins musclés, puis les abandonner pour quinze minutes, une heure, dix. Les équipes s’appellent les Tiger Team, et leur slogan : « Tigers never sleep ». C’est donc avec un conseiller militaire et en quasi impro que nous avons tourné cette scène. Les comédiens devaient obéir mais ne savaient pas à quoi ils allaient être soumis. Et Sean Devine (Walter) devait littéralement exploser dans cette scène, prendre le dessus sur celui que l’on considère comme le dominant du couple (Sam). Le résultat fut au-delà de mes attentes. Sean semblait avoir fait ça toute sa vie ! Il était effrayant ! L’adrénaline sur le set était à son comble. Il est toujours formidable sur le tournage de sentir dépassé par la tournure que prend une scène. Le pire souvenir était plus une inquiétude diffuse. Nous avons tourné de fin octobre à début décembre autour de Montréal. Soit un mois plus tard sur ce qui était prévu. Nous pouvions donc voir la neige tomber à n’importe quel moment, ce qui aurait ruiné la continuité de façon irrémédiable compte tenu de notre budget. Le tournage s’est terminé le 4 décembre. Il a neigé le 6…

Parlez-nous un peu du casting que vous avez réuni…
AO. J’en suis très heureux ! Ils viennent des quatre coins du Canada : Montréal, Vancouver, Toronto. Ils sont formidables, tous, je trouve. Sean Devine vient principalement de la comédie. Ce qui était parfait pour le rôle. Il était capable d’apporter au rôle un second degré, un certain décalage, ne pas prendre son personnage trop au sérieux. Roc Lafortune est lui aussi une star de comédie dans une série québécoise, Les Boys. Un vrai contre-emploi pour les québécois. Stephen Shellen, acteur très intense et au passé chargé, a fait corps avec le personnage du détective avec qui il entretient certains points communs. Sa beauté et son charisme portent la dernière partie de Territoires, beaucoup plus évanescente. Une dernière partie sans espoir mais me semble t-il plus surprenante et déstabilisante pour un spectateur. Une fin qui nous raconte aussi quelque chose sur l’impasse dans laquelle semble se trouver notre monde, l’absence d’espoir que l’on peut ressentir chez tout à chacun. Les cinq jeunes gens sont tous supers. Ils n’ont pas eu un tournage facile : froid, humidité, boue, les cages, les tortures, les interrogatoires enfermés dans ce container qui demandent tout de même un investissement et une intensité parfois vraiment bouleversante pour un acteur. Mais toujours, toujours, de la bonne humeur.

Que pensez-vous de la 3D et de l’engouement actuel pour la 3D ? Cela vous tenterait-il de réaliser un film en 3D ?
AO. Je n’en pense pas grand-chose. L’industrie cinématographique avait déjà fait le coup de la 3D dans les années 50. Il semble qu’elle s’essouffle déjà… Il se trouve que j’ai trouvé Tintin vraiment bien fait, une belle 3D, qui ne nous fait pas sortir du film, créative, aussi loin que possible de la fête foraine. Ou le film d’Herzog, La grotte des rêves perdus, qui nous permet d’entrer dans la grotte Chauvet, interdite à la visite. Oui, j’aimerais m’y essayer. Je pense qu’il y a pas mal d’expérimentations à faire en 3D. J’ai un projet de films pour enfants et pour adultes, très Burtonien, mais il est compliqué de monter ce type de film en France…

Avez-vous supervisé le transfert du Blu-ray ? Comment pourriez-vous présenter le film afin de donner envie à mes lecteurs d’acheter le Blu-ray ?
AO. Oui, j’ai surtout pris garde avec mon chef opérateur que les noirs très profonds, ces nuits réalistes et anti-hollywoodiennes que nous avons travaillées, soient fidèlement reproduites. On retrouve parfaitement sur le Blu-ray, ce grain très 70’s du super 16 et j’insiste, ces noirs extrêmement profonds, ces nuits réalistes, où les silhouettes sombres se découpent sur des fonds noirs. Tout cela favorise l’expérience d’immersion que j’ai essayé de travailler à tous points de vue afin de rendre le film véritablement oppressant.

Êtes-vous un consommateur de Blu-ray Disc ? Que pensez-vous de ce nouveau format ?
AO. J’avoue, non. Je profite de la sortie de Territoires pour m’équiper !

Quels sont vos futurs projets ?
AO. J’ai tourné une fiction pour Arte, une comédie d’aventure délirante, quelque part entre l’esprit régressif à la Farrelly, le mauvais esprit à la Sacha Baron Cohen, et la comédie de duo typiquement français. L’histoire de deux losers qui décident d’aller au Kenya kidnapper la grand-mère de Barack Obama et de demander une rançon à la Maison Blanche ! Ça s’appelle Yes We Can ! Et c’est pour fin mars sur Arte. Je devrais participer aux films à sketches de genre Théâtre Bizarre 2 et réaliser un épisode. C’est une coproduction US-France. J’ai aussi un projet de comédie à l’anglaise qui est en production en ce moment : Les Flambeurs. Plus pas mal d’autres projets : un polar et un survival d’un genre particulier. Mais, bon, on verra…

Un très grand merci à Olivier Abbou pour cette interview et sa disponibilité – Cédric // www.blurayenfrancais.com

2 commentaires

  • Ludovic

    Ouaouh Merci, vraiment merci.

    A l’époque j’étais tombé sur cette série sur C+ et impossible de savoir le titre. J’avais abandonné
    Et la boom Madame Hollywood Je suis trop content de la retrouver.

    Ou est ce que l’on peut se la procurer ? Dvd ou blu ray.

  • lulu

    Sympa de lire cet article merci

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